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Le lever individualisé produit-il ses effets ?

Pendant un séjour d'une semaine à la montagne, l'équipe d'animation a noté tous les matins l'heure de lever de chaque enfant. Objectif : tester l'efficacité du lever individualisé et mesurer les paramètres de sa réussite.

Le lever individualisé est une pratique ancrée depuis longtemps dans les colonies de vacances. On en trouve les premières traces dans les années 50. Elle consiste à ne pas fixer d'horaire de réveil collectif et à laisser les enfants se lever à leur rythme, en fonction de leurs besoins de sommeil réels. Le lever individualisé vise le repos des enfants sur leur temps de vacances et nécessite une organisation et des aménagements spécifiques (présence d'animateurs aux points stratégiques, salles d'activités pour accueillir les premiers levés, etc).

Si le lever individualisé est institué dans les séjours de Wakanga, il restait à mesurer ses effets. Les enfants se lèvent-ils à des heures différentes chaque jour ou suivent-ils un rythme assez régulier ? Les heures de lever sont-elles les mêmes dans chaque chambre ? Les activités de la veille ont-elles une incidence sur la durée de sommeil des enfants ? Autant de questions qui ont poussé l'équipe d'animation d'un séjour d'hiver à noter tous les matins l'heure de lever de chaque enfant. Un groupe homogène de huit enfants de 7 et 8 ans a été observé pendant une semaine, du lundi matin au samedi matin (5 filles et 3 garçons). L'étude qui suit n'a aucune prétention scientifique, il s'agit simplement d'observations qui donnent quelques renseignements utiles pour gérer le lever individualisé.

Informations sur l'organisation. Un animateur est présent chaque matin dans le couloir dès 7h00 pour aiguiller les premiers enfants levés et garantir le silence dans les chambres. Un second est présent en salle d'activités, située deux étages plus bas : cette pièce regroupe un coin lecture, un coin jeux et un espace dessin. Afin de donner des repères aux enfants, des horloges lumineuses sont installées dans le couloir.

Lundi 22 février, premier matin

Contexte de la veille : les enfants sont arrivés à la colo vers 16h30. Ils ont tous pu faire connaissance auparavant dans le train et le car qui les ont amenés jusqu'au centre de vacances. Certains se sont par ailleurs inscrits avec des copains : ils se connaissent donc bien et n'ont eu aucune difficulté à décider avec qui ils partageraient leur chambre. Avant le coucher, nous avons expliqué aux enfants comment allait se passer l'organisation du lever le lendemain matin pour leur donner le maximum de repères et limiter autant que possible les réveils matinaux, souvent observés le premier matin d'une colonie de vacances.

Heure d'extinction des feux : 21h20

Heures de réveil : les filles, qui occupent deux chambres, sont les premières réveillées à 7h10. Les consignes des animateurs, demandant à ne pas faire de bruit, sont respectées. Alix explique : "Je me suis levée, j'ai regardé l'heure. Il était 6h je crois, je me suis recouchée et j'ai attendu que Emi et Mila se réveillent." En revanche, certains éléments rassurants donnés par les animateurs la veille n'ont pas suffi. Mila nous dit au réveil : "Emi [sa soeur jumelle] avait peur de rater le petit déjeuner, c'est pour ça qu'elle s'est levée tôt". Nous avions pourtant rappelé aux enfants qu'ils pourraient toujours prendre leur petit déjeuner quelle que soit l'heure à laquelle ils se lèveraient. Mais il faut sans doute que cela soit vécu par les enfants pour être pleinement intériorisé.

Si toutes les filles sont debout à 7h10, la situation est différente dans la chambre des garçons. La veille au soir, alors qu'ils semblaient endormis lorsque l'équipe d'animation a entamé sa réunion à 22h00, un animateur les a retrouvés debouts dans le couloir à 23h30. Ils étaient clairement excités et se sont endormis vers minuit. Le lendemain matin, Darwin se lève à 6h45 pour aller aux toilettes. A 7h00, il appelle Evan mais n'obtient pas de réponse. Un animateur entre dans la chambre pour lui dire ne pas parler et de tenter de se rendormir. De fait, les trois garçons vont émerger successivement à 8h10, 8h20 et 8h30.

Mardi 23 février, deuxième matin

Le petit déjeuner, servi à partir de 8h

Pour le petit déjeuner, la souplesse de l'équipe de service permet que les enfants puissent manger quelle que soit l'heure de leur réveil. C'est une des conditions à réunir pour que le lever individualisé fonctionne pleinement.

Contexte de la veille : les enfants ont passé un lundi intense, à faire du chien de traîneau et de la luge. Les premiers signes de fatigue sont apparu à l'heure du goûter chez certains. La veillée a donc été courte, les enfants sont remontés dans leurs chambres à 21h10.

Heure d'extinction des feux : 21h30

Heures de réveil. Driss et Darwin sont les premiers réveillés à 7h10. Driss est content : "Je me suis endormi tout de suite cette nuit." Emi et Mila se lèvent à 7h20 sans faire de bruit. A 7h30, Alix, qui partage leur chambre, se lève à son tour ainsi qu'Albane. Désormais, il ne reste plus qu'Evan et Andréa qui dorment seuls dans leur chambre respective. Andréa était celle qui semblait la plus fatiguée la veille au soir. Evan se lève naturellement à 8h50 et Andréa à 9h30. Le calme à leur étage semble avoir été propice à un sommeil plus long.

Mercredi 24 février, troisième matin

Contexte de la veille : constatant que certains enfants étaient fatigués en journée, l'équipe d'animation a revu l'organisation du temps calme après le repas de midi. Désormais, au lieu de proposer à ceux qui le voulaient d'aller s'allonger après le déjeuner (aucun succès à cette proposition), nous faisons vivre à tout le groupe un temps de relaxation de quinze minutes. Juste après ce moment, Evan et Darwin demandent spontanément et discrètement de remonter dans leur chambre pour dormir. Evan ne s'endormira pas mais Darwin fera une sieste de 45 minutes. Le temps de relaxation a sans doute permis aux enfants de mieux percevoir leurs signes de fatigue qu'en temps normal.

Heure d'extinction des feux : 21h30

Heures de réveil. Emi et Mila se lèvent en même temps pour la troisième fois consécutive à 8h00. Les deux soeurs jumelles ne sont pourtant pas calées sur le même rythme de sommeil. Emi en donne la raison : "J'attends Mila avant de me lever pour qu'elle ne soit pas seule. L'année dernière à la colonie, elle s'était sentie seule le matin."

Ce troisième matin est la confirmation du précédent : chez les filles, ce n'est plus toute la chambre qui se lève en même temps, les levers se font de façon échelonnée. Le respect du sommeil des autres est intégré et ceux qui dorment plus longtemps sont sans doute rassurés de ne rien "rater" parce qu'ils dorment. Ils ont pu éprouver hier que, même en se levant plus tard que les autres, ils auraient toujours de quoi manger pour le petit déjeuner et que les grandes activités ne commenceraient pas sans eux.

Jeudi 25 février, quatrième matin

En salle d'activités le matin

Afin que les premiers enfants réveillés ne restent pas dans leurs chambres, une salle d'activités a été aménagée deux étages en-dessous des chambres. Elle abrite une petite bibliothèque, des jeux de société et de construction ainsi qu'un pôle dessin. Ce matin là, les enfants lisent le dernier message posté sur le blog et les commentaires de leur famille.

Contexte de la veille : l'après-midi, les enfants ont participé avec le groupe d'une colo voisine à un grand jeu en forêt, la prise du drapeau. Ils se sont bien dépensés mais ont aussi eu un peu froid. Le soir, un décalage a été créé : le repas a été pris vingt minutes plus tard que d'habitude et la veillée a elle aussi duré plus longtemps que la normale. Les enfants sont montés dans les chambres à 21h50.

Heure d'extinction des feux : 22h10

Heures de réveil. Cette matinée marque une rupture par rapport aux précédentes. Pour la première fois, l'heure moyenne de lever régresse par rapport à la veille : elle est de 8h01 contre 8h06 le mercredi matin. Surtout, et contrairement aux attentes de l'équipe, l'amplitude de sommeil a elle aussi chuté puisque les enfants se sont couchés plus tard tout en se levant plus tôt que la veille. C'est une surprise mais aussi un enseignement : à l'âge de 8 ans, faire une sorte de grasse matinée est rarement dans les habitudes. Il y a sans doute une excitation à aller jouer avec ses copains qui incite à conserver un horaire de lever assez matinal.

Ceci est corroboré par le fait que ce jour-là, les filles de la chambre n°3 (Emi, Mila, Alix) se sont levées toutes les trois à la même heure à 7h30. Même chose pour les garçons de la chambre n°1 (Driss, Evan et Darwin), levés simultanément à 7h50. Seules Albane et Andréa, qui partagent la même chambre, vont se lever bien plus tard. La salle de réveil, située deux étages plus bas, remplit pleinement sa fonction, en proposant suffisamment d'intérêts différents pour que les enfants n'aient pas envie de retourner dans leur chambre. Le sommeil de ceux qui dorment est donc préservé.

Vendredi 26 février, cinquième matin

Lecture au lit sous la couette

Pour faciliter l'endormissement, les enfants profitent d'un temps de lecture qui suit la veillée. Cela permet généralement des couchers rapides et sans excitation. L'atmosphère générale incite naturellement au calme.

Contexte de la veille : la veillée a été nettement plus courte et a pris fin à 21h00. Les enfants profitent d'un temps de lecture rallongé dans leur lit mais certains éteignent vite, fatigués et refroidis après un après-midi à jouer dans la neige.

Heure d'extinction des feux : 21h20

Heures de réveil. A l'exception de Darwin, tous les enfants vont se réveiller plus tôt que la veille, avec des différences allant de 10 à 40 minutes par rapport à la nuit de jeudi. Le vent qui souffle fort et qu'on entend siffler dans le couloir a pu en réveiller certains, mais rien n'est sûr. Une des hypothèses possibles est une appropriation encore plus grande de la salle d'activités. Le matin, certains se mettent à dessiner, ce qu'ils ne faisaient pas avant. Le pôle d'attraction se renforce et l'enthousiasme à rejoindre la salle est grandissant. Les enfants continuent majoritairement à descendre à la salle d'activités avec leurs copains.

Les animateurs ont légèrement décalé leur heure de présence dans les couloirs. De fait, Evan n'a trouvé aucun adulte lorsqu'il s'est levé à 7h10. Il a cependant eu le réflexe de mettre son pull et ses chaussons, que tous les enfants devaient préparer la veille dans une pièce attenante, puis de descendre à la salle d'activités. Il est remonté dans les chambres quand il a constaté qu'il était en fait le seul enfant présent. Cette anecdote témoigne de la bonne connaissance des chemins à suivre le matin et rappelle les observations faites sur le lever autonome des enfants, tenté avec une tranche d'âge un peu plus élevée.

Samedi 27 février, sixième matin

Contexte de la veille : les enfants ont passé beaucoup de temps à l'extérieur. Le matin, ils ont fait une balade à pied d'une heure et demie autour d'un lac. L'après-midi, ils ont profité d'une séance de cani-rando de 2h pendant laquelle ils ont beaucoup couru. La fin de journée a été marquée par la préparation des valises pour le retour et une veillée exceptionnellement plus tardive.

Heure d'extinction des feux : 22h20

Heures de réveil. L'heure de coucher plus tardive que d'habitude ne va pas modifier les heures de lever, comme on l'avait déjà vérifié le jeudi matin. Evidemment, le sommeil a pu être écourté puisque les enfants savent que c'est le jour du départ et que les animateurs avaient prévenu qu'un lever matinal serait nécessaire (le car part à 9h30). Néanmoins, comme les autres jours, on constate que deux enfants dépassent 8h dans leur heure de lever.

Heures de lever de la chambre n°1

Heures de réveil de la chambre n°1

Chambre de Driss, Evan et Darwin. La première nuit, un mélange d'excitation et d'inquiétude a fortement retardé l'endormissement des trois garçons. Ils ont joué de toutes les stratégies habituelles pour retarder l'heure de dormir : passages fréquents aux toilettes, discussions entre eux, appels aux animateurs... Le lundi matin, leur heure de lever a donc été tardive pour un premier jour de colonie de vacances. Les jours suivants, ils ont chacun suivi leur rythme propre. Du lundi au mercredi, Evan ne s'est pas levé avant 8h20. Son heure de lever a ensuite diminué au fur et à mesure. Il a un peu récupéré de sa fatigue scolaire lors des premiers jours.

Darwin a suivi une progression inverse. Son heure de lever s'est décalée pendant 4 jours consécutifs. Le samedi, c'est parce qu'il a fallu le réveiller pour le départ qu'il s'est levé à 8h20. Driss a quant à lui préféré se lever en même temps qu'un des deux autres garçons pendant 4 jours. Il semble qu'il ait eu besoin de s'assurer la présence d'un copain de chambre pour aller jouer en salle d'activités.

Heures de lever de la chambre n°2

Heures de réveil de la chambre n°2

Chambre d'Albane et Andréa. A l'exception du premier jour, les deux filles ont vécu à un rythme différent. Andréa, que sa mère confirme comme une "bonne dormeuse" a établi par deux fois le record du lever le plus tardif à 9h30. Pendant quatre jours d'affilée, elle ne s'est pas levée avant 8h40. Cette durée de sommeil a été permise par l'absence d'activités démarrant tôt dans la matinée. En règle générale, les enfants bénéficiaient le matin d'ateliers encadrés par les animateurs du séjour : l'heure de début des activités était donc facilement modulable.

A l'image de Darwin, Albane a profité de son séjour pour dormir de plus en plus tard du lundi au jeudi. On retrouve la baisse caractéristique à partir du vendredi matin. Même si elle était la première levée de la chambre, Albane ne s'est jamais levée très tôt comparativement au reste du groupe. Elle a été assez indépendante, rejoignant souvent seule la salle d'activités deux étages plus bas sans savoir qui elle y trouverait comme copine. On voit ici l'importance de la bonne connaissance des circuits de circulation le matin : s'ils sont rapidement intégrés par les enfants, ils permettent à chacun de rejoindre un espace d'activités en autonomie.

Heures de lever de la chambre n°3

Heures de réveil de la chambre n°3

Chambre de Mila, Emi et Alix. Emi et Mila sont jumelles et vont se lever strictement à la même heure pendant tout le séjour. Pourtant, leur heure de réveil n'est pas parfaitement identique : Emi est souvent la première réveillée et attend sa soeur pour se lever. Elles sont les seules à ne pas avoir dépassé 8h comme heure de lever la plus tardive. Toutefois, elles paraissaient toujours avoir suffisamment dormi à leur réveil.

Alix a dormi plus longtemps. Le jour du départ, il a fallu la réveiller à 8h10 alors qu'elle semblait bien partie pour égaler son record du mercredi. Elle est celle chez qui les différences de temps de sommeil sont les plus fortes d'un jour sur l'autre (1h10 de plus entre le mardi et le mercredi, 50 min de plus entre le vendredi et le samedi).

Bilan de l'expérience sur le lever

Les fortes variations d'heures de lever chez certains enfants d'un jour sur l'autre confirment que le lever individualisé est indispensable : il garantit à chacun un temps de sommeil suffisant. Le mardi, on observe ainsi 2h20 de différence entre l'heure de la première levée et de la dernière. Pour que le lever échelonné produise ses effets, trois conditions apparaissent nécessaires :

- la présence d'un adulte dans le couloir : elle est capitale dans les premiers jours mais devient secondaire en fin de séjour. Elle permet de guider les enfants vers les espaces d'activités et de s'assurer que le silence sera respecté. En début de séjour, cette présence est rassurante pour un enfant qui se lève sans savoir quoi faire ni où aller.

- l'existence d'un "coin dressing" : pour aller prendre le petit déjeuner, les enfants doivent traverser une coursive non chauffée. Ils doivent donc nécessairement porter un pull, qui est également préférable en salle d'activités le matin. Pour cela, les adultes leur ont toujours fait préparer leurs affaires la veille dans une chambre non occupée : ils venaient y déposer leur pull, leurs chaussons et éventuellement un livre. Leurs affaires étaient ainsi accessibles sans risque de réveiller leurs copains de chambre.

- un pôle d'activités suffisamment attractif : pour qu'un enfant se lève sans appeler ses copains, il doit avoir l'assurance qu'il trouvera dans la salle de réveil des activités qu'il pourra éventuellement faire seul. A côté des jeux de société, il faut donc prévoir des jeux de construction et des livres. La salle d'activités, pour être fréquentée le matin, doit aussi être utilisée à d'autres moments de la journée. Les enfants connaîtront ainsi toutes ses possibilités et seront plus enclins à s'y rendre.

De cette expérience, on retient qu'un sommeil prolongé suppose une confiance importante. L'enfant doit être sûr qu'il ne sera pas oublié (c'est une crainte très partagée lors de la première nuit dans un centre de vacances) et suffisamment informé du programme du lendemain pour dormir sereinement. Les activités pratiquées dans la journée influent évidemment sur le sommeil, mais il semble que cela joue sur la rapidité d'endormissement plus que sur la durée du sommeil, très variable d'un enfant à l'autre.

Observations faites en séjour à Saint-Front (43)
Février 2016



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