Les labels, la fausse bonne idée pour sauver les colos
Une colonie de vacances labellisée est-elle vraiment un gage de qualité ? Pas sûr !
Depuis une dizaine d'années, les projets visant à labelliser les colonies de vacances et leurs hébergements se sont succédé, sans toujours aboutir. Et si la démarche était vaine ?
C'est une idée brandie régulièrement : créer un label pour les colonies de vacances serait un moyen de les redynamiser, en aidant les parents à trouver des organisateurs de qualité. En 2008, la démarche Destination Juniors s'était pris les pieds dans le tapis en voulant notamment fixer des critères sur la qualité de l'hébergement des mineurs. En 2013, l'Etat lui-même avait voulu initier un label "portant notamment sur la qualité du projet éducatif et la relation avec les familles en matière d'informations", comme le décrivait Najat Vallaud Belkacem lors d'une question au Sénat. Cette année, le label Kidetap a été lancé afin "d'identifier et de connaître les structures d’hébergement qualitatives et particulièrement adaptées" à l'accueil des mineurs.
Parmi l'ensemble des démarches de labellisation initiées, peu ont abouti. Souvent lancés par des organisateurs eux-mêmes, qui entendaient valoriser leur offre au détriment de certains confrères, ces projets n'ont pas trouvé une assise suffisamment large pour être représentatifs. Leur confidentialité les a également achevés : à quoi bon se prévaloir d'un label quand un parent ne l'a jamais croisé auparavant et ignore tout des critères qu'il renferme ? Si les raisons de l'échec sont variables d'un projet à l'autre, on peut néanmoins distinguer quelques caractéristiques communes.
Les bons d'un côté, les mauvais de l'autre
Une petite colonie de vacances sans label vaut-elle moins que celle organisée par un mastodonte qui possède un budget marketing ? C'est le raisonnement induit par les labels.
L'objectif sous-tendu par ces labels, même s'il ne dit pas ouvertement son nom, est d'aider les parents à faire le tri entre les bonnes colonies de vacances et celles à éviter. Malgré des critères parfois contestables, tenant plus au respect de l'engagement contractuel qu'à la qualité pédagogique, les labels entretiennent l'idée que les colonies de vacances sont un loisir potentiellement risqué pour les enfants. Dès lors, tout organisateur possédant un label peut se prévaloir d'une qualité supérieure à celle d'un confrère non labellisé.
Les colonies de vacances, dont les chiffres de fréquentation des séjours de vacances sont en baisse régulière depuis plusieurs années, doivent-elles se concurrencer de cette manière pour s'en sortir ? Pourquoi mettre ainsi au ban des organisateurs de qualité, qui exercent une activité en tous points conforme aux exigences réglementaires, simplement parce qu'ils ne sont pas engagés dans une démarche de labellisation ? Pourquoi laisser entendre qu'ils sont moins sûrs du point de vue de la sécurité alors que leurs séjours sont susceptibles d'être contrôlés à tout moment par l'Etat ? Ce faisant, on participe à noyer un peu plus les parents dans les différentes offres proposées, en associant de façon simpliste label et qualité.
Des critères qui engagent peu
Car que garantissent ces différents labels ? Celui de l'Unosel dit peu de chose de la qualité pédagogique (formation continue des équipes d'animation, journée de préparation aux séjours, etc) et insiste davantage sur l'engagement contractuel, par exemple l'information des parents sur la nature des prestations. Pire, des exigences réglementaires sont maquillées en véritables critères. Dire que "le projet éducatif est clairement défini et expliqué" revient à rappeler que tous les organisateurs de séjours, labellisés ou non, sont soumis à cette obligation inscrite dans le Code de l'action sociale et des familles. De même, ce label ne fait que répéter les exigences posées par le Code du tourisme concernant le respect des prestations annoncées.
D'autres labels sont parfois plus précis, comme Kidetap qui étudie 168 critères pour chacun des centres de vacances qui souhaite bénéficier de ce label. Mais certains items sont surprenants : "Un espace bar est accessible au groupe. Son offre bar est proposée à des tarifs adaptés (1 euro maximum)". La qualité doit-elle se mesurer à la possibilité effective de dépenser son argent de poche ? Ailleurs, on peut lire que "la chambre peut être fermée à clé", ce qui va à l'encontre des règles de prudence en matière de risque d'incendie dans des locaux hébergeant des mineurs.
Derrière un label, un coût caché pour les familles
Dès lors qu'un organisateur s'engage dans une démarche de labellisation, il s'engage dans une adhésion coûteuse. Pour Wakanga, la hausse pourrait ainsi représenter de 1 à 2 euros par séjour en fonction du label si nous voulions y adhérer. Certes, le coût peut paraître modique mais il serait forcément répercuté sur les familles. Difficile dans ces conditions de rester financièrement accessible pour tous ! Pour nous, il est clair que la fréquentation des colonies de vacances progressera davantage en encourageant les mixités qu'en investissant dans des labels.
Car les labels quels qu'ils soient rappellent tristement que les colos sont entrées depuis longtemps dans un mode de commercialisation très éloigné de leurs valeurs originelles : activités empilées qui excluent toute une frange d'enfants issus de familles modestes, prestations optionnelles qui segmentent les participants au sein d'un même séjour, promotions et ventes flash, etc. Les labels ne sont que le dernier avatar d'une évolution à laquelle résistent encore les petites associations, celles qui permettent au plus grand nombre de partir en colo dans une logique non-consumériste. Leurs projets, singuliers et multiples, valent bien mieux qu'un label à la légitimité douteuse !
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