Colonies de vacances pour enfants et adolescents
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Pratiques pédagogiques en séjours de vacances

Les directeurs de nos séjours, à travers le récit de leurs expériences, témoignent de la mise en mouvement de notre projet éducatif.

Récit d'expérimentations pédagogiques dans nos colos

Tisser des liens avec les parents

"On pourra quand même vous joindre en cas d’urgence ?" Formulée quelques jours avant le départ de sa fille, la question de ce père sonne comme un rappel : ils sont encore nombreux, les collègues directeurs, à dresser des barricades entre eux et les familles. Trop souvent, la communication en colo se résume à l’écoute passive d’une messagerie téléphonique.

Si le séjour représente un monde à part pendant quelques jours, ses frontières avec l’extérieur sont heureusement poreuses. En équipe, nous avons choisi de tout faire pour encourager la communication avec les parents pendant le séjour, notamment par le biais du téléphone que nous ne limitons pas à un créneau horaire restreint. Et que nous disent-ils, ces parents ? Ils questionnent le moral de leur enfant, interrogent son intégration dans le groupe, s’enquièrent des dernières activités réalisées… Ils attendent parfois de la conversation qu’elle valide leur choix d’avoir fait partir leur enfant en colo. Ils se confient aussi, lorsque les échanges glissent doucement vers eux et sur les moments de vide parfois ressentis sans leur enfant.

S’éloigne-t-on de notre mission première lorsqu’on consacre du temps aux parents ? De notre point de vue, c’est tout le contraire ! Ces moments nous permettent de faire connaître nos choix pédagogiques, de raconter le fonctionnement - finalement mal connu - d’une colo, d’enrichir notre regard sur chaque enfant, de questionner nos pratiques... Premiers pas sur le chemin de la co-éducation.


Décider de ses activités, c'est d'abord échanger

C’est l’histoire d’un plateau, d’un drôle de plateau avec des petits drapeaux. Un plateau avec cinq cases de couleurs différentes dans lesquelles était scotché un joli papier avec le nom d’une activité. Et tous les soirs, le groupe se réunissait autour de ce plateau, sur lequel chacun venait poser son drapeau sur l’activité de son choix. S’en suivait une discussion s’il n’était pas possible de respecter le choix de chacun (nombre de places maximum dépassé sur une activité) et il était alors possible de déplacer son drapeau.

Cette solution, nous l’avons trouvée pour répondre au problème récurrent du choix d’activité. Rendre l’enfant auteur de ses vacances, c’est notamment lui donner un pouvoir de décision. Pour cela, il doit avoir la possibilité de proposer des activités (ce qui ne pose pas vraiment de problème) et de pratiquer celles qui lui plaisent le plus. Malheureusement, dans notre séjour les contraintes techniques sont fortes et le nombre de places à une activité souvent limité.

Alors, pour sortir du système "premier inscrit / premier servi", nous avons décidé en réunion de préparation d’utiliser des plateaux, permettant à chacun de faire un premier choix selon ses envies, tout en rendant ensuite possible des discussions entre enfants pour éliminer les points de blocages. Petit à petit, les débats se sont étoffés, chacun prenant ce moment au sérieux, nous obligeant même parfois à décaler le début du repas. C’est ainsi que chaque enfant a construit sa propre colo tout en limitant grandement ses frustrations.


Le pari de l'alimentation locale

Visite chez un maraîcher qui livre la colo en produits bio en Normandie

La mise en place d'un partenariat avec des maraîchers locaux permet de s'affranchir des grandes centrales de restauration collective, dont les produits proviennent parfois de pays lointains. Les enfants peuvent même visiter les exploitations à certains moments !

Le rituel était précis. Tous les mardis et vendredis retentissait dans l’arrière-cour le même coup de klaxon. Et quelques instants plus tard, notre cuisinière sortait à la rencontre de Joël, le livreur de légumes. Le contenu des cageots, lui, différait d’une fois sur l’autre. Les pommes de terre laissaient leur place aux aubergines et les salades aux tomates. Mais ce qui en faisait la spécificité, c’était la provenance : Joël et son camion n’avaient que 15 km à faire pour rallier la colo depuis ses champs.

Après plusieurs années à inscrire le développement durable dans notre projet, nous avons voulu en explorer une nouvelle piste à travers la cuisine. Malheureusement, nous avons, au départ, rencontré plus de problèmes que de solutions. Fallait-il manger bio, au risque d’augmenter le coût des repas ? Fallait-il opter pour des fournisseurs locaux, aux risques de devoir les multiplier ? Et puis cela augmenterait les heures de travail... Et devait-on continuer à manger des kiwis d’Australie ?

Alors, on s’est mis autour d’une table et on a rassemblé tous les intervenants de la direction et de la cuisine. On a discuté, augmenté un peu les ressources humaines, fait des compromis et surtout, on est parti à la recherche de fournisseurs locaux. Pas bio, ce serait trop cher, mais cultivé tout de même de façon responsable. Pour la première année, le choix s’est limité aux légumes, afin de tester et de se rassurer sur la faisabilité de la démarche. Et c’est là qu’on a rencontré Joël, sa bonne humeur et son camion. Depuis, une bonne partie des légumes mangés par les enfants ont illustré, d’une certaine façon, notre objectif de développement durable.


L'histoire des balais ou la recherche de solutions communes

3ème jour de la colo. Valentine, directrice adjointe qui anime la réunion du groupe des 10-12 ans, déplore l’état de certaines chambres. La règle commune était pourtant qu’elles soient balayées avant de se disperser dans les ateliers du matin. La remarque de Mathis fuse : "On part tôt à la voile, on a pas le temps !" Théo embraie et fait valoir qu’il n’a pas trouvé le balai ce matin. Il est approuvé par Romain : il a bien demandé le balai à un animateur mais en vain.

Jérôme, un animateur du groupe, intervient alors : ce matin, les deux balais étaient monopolisés par les chambres de filles. Océane, 10 ans, concède que les filles gardent en effet un balai dans leurs chambres. Pour régler le problème, elle suggère d’en mettre un par chambre. Mais sa proposition se heurte au manque de matériel. Théo reprend la parole et propose que les deux balais soient posés au milieu du couloir des chambres pour que chacun puisse s’en servir. Regards approbateurs échangés, sa proposition est acceptée. Un endroit précis est alors trouvé pour ranger les balais.

Reste un écueil : quid des enfants partis à la séance de voile ? Doivent-ils être "dispensés" de rangement de chambre ? Faut-il qu’on les réveille plus tôt ? Les enfants doivent alors composer avec les contraintes matérielles mais aussi avec le respect évident des autres : se lever plus tôt pour ranger, c’est risquer de réveiller ses voisins de chambre ! Devant les interrogations des enfants, Valentine propose que les chambres du groupe de voile soient rangées le midi après manger. Les enfants s’engagent à expérimenter cette solution les jours suivants.

Cet exemple, comme bien d’autres, montre que les vacances collectives sont des lieux où les enfants peuvent s’exercer à la citoyenneté, à la vie démocratique, en particulier à travers leur action sur le fonctionnement de la vie quotidienne, sur la vie du groupe et sur leur vie d’individu dans le groupe. Pour cela, nous avons mis en place sur ce séjour des moments où les enfants peuvent s’exprimer, écouter, donner leur avis en argumentant, réfléchir, adhérer, s’opposer... et prendre des décisions, sur le fonctionnement de la colo, sur les règles de vie qui y sont pratiquées, sur le comportement du groupe, sur les moyens de régler les différents petits problèmes pouvant surgir dans toute situation de vie en collectivité.


Trois ados, deux jours et un projet en autonomie

Ce matin-là, il faisait frais. Une légère brume entourait le camping encore endormi. Et pourtant, ils étaient bien là, tous les trois, un peu engourdis et hésitants. Mais aujourd’hui n’était pas un jour comme un autre, c’était le jour du départ. Oh ! pas le jour du grand départ, non. Plutôt celui d’un départ vers l’inconnu, en autonomie. D’ici quelques minutes, ils se retrouveraient seuls pour deux jours, sans ces animateurs présents depuis le début. Certes, les vélos étaient chargés, l’itinéraire repéré, le budget calculé. Mais se retrouver maître de soi-même à 15 ans ne se fait pas sans une légère appréhension.

Ce projet n’est pas né du hasard. Lorsque nous préparions le séjour, nous avions choisi d’exploiter au maximum cette notion d’autonomie. L’adolescence est un âge de transition, où l’on aimerait devenir adulte sans pour autant ne plus être un enfant. Alors, laisser l’occasion aux jeunes de quitter, l’espace de plusieurs jours, le groupe encadré était pour nous un véritable objectif pédagogique, permettant de les responsabiliser en les rendant moins dépendants de notre présence, rassurante mais parfois étouffante.

Nous avons donc expliqué notre démarche à tous les participants dès le premier jour. Il était possible, en petit groupe, de partir en expédition pendant deux à trois jours sans animateur. Certains ont adhéré immédiatement, d’autres n’ont jamais souhaité partir. Au final, trois groupes (dont un mixte) ont saisi cette occasion. Nous les avons accompagné dans la préparation, leur avons égrené nos consignes de sécurité d’adultes anxieux et les avons regardé partir, puis revenir. Sans jamais avoir vraiment su ce qu’il s’est passé dans ce laps de temps, "en autonomie".