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Les labels, la fausse bonne idée pour sauver les colos

Unosel, Kidetap, Ufcv : les labels qualité des colos à la loupe

Une colonie de vacances labellisée est-elle vraiment un gage de qualité ? Pas sûr !

Depuis une dizaine d'années, les projets visant à labelliser les colonies de vacances et leurs hébergements se sont succédé, sans toujours aboutir. Et si la démarche était vaine ?


Publié le 19/11/2018
Actualisé le 19/11/2018
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2 commentaires

C'est une idée brandie régulièrement : créer un label pour les colonies de vacances serait un moyen de les redynamiser, en aidant les parents à trouver des organisateurs de qualité. En 2008, la démarche Destination Juniors s'était pris les pieds dans le tapis en voulant notamment fixer des critères sur la qualité de l'hébergement des mineurs. En 2013, l'Etat lui-même avait voulu initier un label "portant notamment sur la qualité du projet éducatif et la relation avec les familles en matière d'informations", comme le décrivait Najat Vallaud Belkacem lors d'une question au Sénat. Cette année, le label Kidetap a été lancé afin "d'identifier et de connaître les structures d’hébergement qualitatives et particulièrement adaptées" à l'accueil des mineurs.

Parmi l'ensemble des démarches de labellisation initiées, peu ont abouti. Souvent lancés par des organisateurs eux-mêmes, qui entendaient valoriser leur offre au détriment de certains confrères, ces projets n'ont pas trouvé une assise suffisamment large pour être représentatifs. Leur confidentialité les a également achevés : à quoi bon se prévaloir d'un label quand un parent ne l'a jamais croisé auparavant et ignore tout des critères qu'il renferme ? Si les raisons de l'échec sont variables d'un projet à l'autre, on peut néanmoins distinguer quelques caractéristiques communes.

Les bons d'un côté, les mauvais de l'autre

Les labels induisent qu'il y a des bonnes et des mauvaises colos

Une petite colonie de vacances sans label vaut-elle moins que celle organisée par un mastodonte qui possède un budget marketing ? C'est le raisonnement induit par les labels.

L'objectif sous-tendu par ces labels, même s'il ne dit pas ouvertement son nom, est d'aider les parents à faire le tri entre les bonnes colonies de vacances et celles à éviter. Malgré des critères parfois contestables, tenant plus au respect de l'engagement contractuel qu'à la qualité pédagogique, les labels entretiennent l'idée que les colonies de vacances sont un loisir potentiellement risqué pour les enfants. Dès lors, tout organisateur possédant un label peut se prévaloir d'une qualité supérieure à celle d'un confrère non labellisé.

Les colonies de vacances, dont les chiffres de fréquentation des séjours de vacances sont en baisse régulière depuis plusieurs années, doivent-elles se concurrencer de cette manière pour s'en sortir ? Pourquoi mettre ainsi au ban des organisateurs de qualité, qui exercent une activité en tous points conforme aux exigences réglementaires, simplement parce qu'ils ne sont pas engagés dans une démarche de labellisation ? Pourquoi laisser entendre qu'ils sont moins sûrs du point de vue de la sécurité alors que leurs séjours sont susceptibles d'être contrôlés à tout moment par l'Etat ? Ce faisant, on participe à noyer un peu plus les parents dans les différentes offres proposées, en associant de façon simpliste label et qualité.

Des critères qui engagent peu

Car que garantissent ces différents labels ? Celui de l'Unosel dit peu de chose de la qualité pédagogique (formation continue des équipes d'animation, journée de préparation aux séjours, etc) et insiste davantage sur l'engagement contractuel, par exemple l'information des parents sur la nature des prestations. Pire, des exigences réglementaires sont maquillées en véritables critères. Dire que "le projet éducatif est clairement défini et expliqué" revient à rappeler que tous les organisateurs de séjours, labellisés ou non, sont soumis à cette obligation inscrite dans le Code de l'action sociale et des familles. De même, ce label ne fait que répéter les exigences posées par le Code du tourisme concernant le respect des prestations annoncées.

D'autres labels sont parfois plus précis, comme Kidetap qui étudie 168 critères pour chacun des centres de vacances qui souhaite bénéficier de ce label. Mais certains items sont surprenants : "Un espace bar est accessible au groupe. Son offre bar est proposée à des tarifs adaptés (1 euro maximum)". La qualité doit-elle se mesurer à la possibilité effective de dépenser son argent de poche ? Ailleurs, on peut lire que "la chambre peut être fermée à clé", ce qui va à l'encontre des règles de prudence en matière de risque d'incendie dans des locaux hébergeant des mineurs.

Derrière un label, un coût caché pour les familles

Dès lors qu'un organisateur s'engage dans une démarche de labellisation, il s'engage dans une adhésion coûteuse. Pour Wakanga, la hausse pourrait ainsi représenter de 1 à 2 euros par séjour en fonction du label si nous voulions y adhérer. Certes, le coût peut paraître modique mais il serait forcément répercuté sur les familles. Difficile dans ces conditions de rester financièrement accessible pour tous ! Pour nous, il est clair que la fréquentation des colonies de vacances progressera davantage en encourageant les mixités qu'en investissant dans des labels.

Car les labels quels qu'ils soient rappellent tristement que les colos sont entrées depuis longtemps dans un mode de commercialisation très éloigné de leurs valeurs originelles : activités empilées qui excluent toute une frange d'enfants issus de familles modestes, prestations optionnelles qui segmentent les participants au sein d'un même séjour, promotions et ventes flash, etc. Les labels ne sont que le dernier avatar d'une évolution à laquelle résistent encore les petites associations, celles qui permettent au plus grand nombre de partir en colo dans une logique non-consumériste. Leurs projets, singuliers et multiples, valent bien mieux qu'un label à la légitimité douteuse !



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Sabine Bonnaud | Publié le 14/12/2018

Bonjour, je viens de lire votre article et je voulais y apporter notre éclairage. Concevoir le référentiel d’un label, est en effet un travail complexe. La démarche des organismes labellisés Unosel est toutefois celle de l’amélioration continue et de la transparence. Contrairement à ce que vous avancez, l’objectif de l’Unosel n’est pas de dénigrer le travail des confrères extérieurs au label mais de collectivement réfléchir à l’avenir du métier et à l’amélioration des prestations. Ainsi, en confrontant leurs idées, confrères et concurrents de petites et grandes structures s’enrichissent mutuellement dans un objectif commun : garantir une expérience éducative optimisée à chaque participant. L’éthique et l’éducation étant bien au cœur de leurs préoccupations. Conscients par ailleurs, qu’un label n’est pas figé et doit évoluer, l’Unosel revisite son nouveau label dès janvier 2019. Cette nouvelle version sera simplifiée, pour une meilleure lisibilité, mais aussi renforcée en termes d’engagements. Valoriser les colos, et faire en sorte qu’un maximum d’enfants puissent en bénéficier est un travail collectif. Petites et grandes associations, entreprises, collectivités, pouvoirs publics devraient pouvoir y travailler de manière commune plutôt que de se diviser. Je suis à votre disposition pour échanger sur le sujet si vous le souhaitez Sabine BONNAUD, Déléguée Générale Unosel

Matthieu BOHY | Publié le 21/11/2018

Bonjour Quentin. Merci pour ton article qui nous a servi de support de réflexion lors de notre réunion d’equipe des permanents des CEMEA PACA aujourd’hui. Nous nous interrogeons aussi de notre côté sur ces labels. Nous avons dans notre région un collectif d’animateurs professionnels et organisateurs, en lien avec la JS et la CAF, qui tente une démarche de labelisation qualité des ACM. Tentative de démarche collective de construction et évaluation de projets pédagogiques ... avec la difficulté des critères à définir et des modalités de contrôles ... nous y participons pour ne pas laisser chaise vide mais sommes vigilants pour permettre à tous d’y participer et évoluer. On y lutte pour ne pas restreindre les possibles. Comment rester dans le champ de l’éducation populaire sans se perdre dans les vices du commerce et du marketing? Comment garder son independance et ses spécificités? Quel légitimité pour les labilisateurs pédagogiques ? Quels risques de récupération et instrumentalisation ? Le champ des questionnements est vaste ... Amitiés militantes à Wakanga de la part de l’equipe des CEMEA PACA. Matthieu.