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CEE, la fin d'un long feuilleton

Randonnée d'une colo en Auvergne

Tout reste encore à faire pour instaurer un véritable volontariat dans l'animation.

Le décret relatif au temps de repos des animateurs et directeurs sous CEE est enfin paru. Mais la mise en place d'un véritable statut de volontariat tarde à venir, alors qu'il sécuriserait juridiquement l'engagement éducatif des animateurs et directeurs occasionnels.


Publié le 04/02/2012
Actualisé le 10/01/2019
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Et voilà. Le décret n° 2012-581 du 26 avril 2012 relatif aux conditions de mise en oeuvre du repos compensateur des titulaires d'un contrat d'engagement éducatif est paru. Attendu depuis quelques mois, il met fin à plusieurs années d’un impressionnant feuilleton juridique.

Lorsqu’en 2006 est créé un nouveau statut pour les animateurs et directeurs occasionnels d’accueils collectifs de mineurs (mettant fin à l’utilisation d’une annexe de la convention collective de l’animation), des recours sont déposés dès 2007 par le syndicat Sud. Mais ce n’est que le 10 octobre 2011 que le Conseil d’Etat prend acte de la décision de la Cour de justice de l’Union Européenne rendue quelques mois plus tôt (après une saisie datant de 2009). Cette décision, bien que rejetant certains des recours formulés par Sud, valide le fait que chaque animateur ou directeur doit bénéficier de 11h de repos quotidien, les critères restrictifs d’utilisation du CEE n’étant pas de nature à protéger suffisamment le salarié pour s’affranchir de cette règle du droit du travail européen.

Pour bien comprendre, il faut avoir en tête que depuis la création des colos, les animateurs vivent en permanence avec les enfants, sauf bien sûr pendant leur jour de repos hebdomadaire. La nuit, les animateurs dorment sur le centre et peuvent donc être réveillés de temps à autre pour rassurer un enfant qui a fait un cauchemar ou s’occuper d’un malade. Sont-ils pour autant exploités ? Ce fonctionnement est-il de nature à les fatiguer plus que de raisonnable, compromettant ainsi la sécurité des enfants ? C’est bien ici que se situe le débat.

Quel aurait été le sens de l'engagement d'un animateur "de nuit" ? Et comment un enfant réveillé en pleine nuit aurait pu être rassuré par un inconnu ?

Devant la décision du Conseil d’Etat qui remettait totalement en cause cette organisation, un groupe de travail a été mis en place en septembre dernier. Il avait pour objectif de formuler des propositions concrètes permettant d’éviter d’avoir à mettre en place deux équipes (une de jour, l’autre de nuit).

D’abord parce que mettre en place deux équipes aurait signifié une augmentation très importante du prix des séjours (environ 30%) contribuant de fait à réduire encore le nombre d’enfants partant en vacances sans leurs parents, soit 1,8 million/an (1). Mais aussi parce que mettre en place deux équipes aurait dénaturé complètement le caractère éducatif des séjours de vacances qui repose sur une vie en collectivité partagée entre les enfants et les adultes. Et puis, quel aurait été le sens de l’engagement d’un animateur « de nuit » ? Et comment un enfant réveillé en pleine nuit aurait pu être rassuré par un animateur inconnu ?

C’est alors que deux pistes ont été étudiées. La première, celle qui a donné naissance au décret qui vient de paraître, a consisté à tenter de trouver des aménagements techniques permettant de ne pas tuer les colos tout en se mettant en conformité avec le droit européen. J’y reviendrai par la suite.

La seconde, portée notamment par la plateforme de la JPA (2) se voulait d’une plus grande ampleur en remettant en cause le statut même de l’animateur. L’idée était de quitter une position devenue intenable, basée principalement sur le Code du travail, pour se diriger vers un statut de volontaire de l’animation pouvant se rapprocher de celui de nos pompiers. Ainsi était pleinement reconnu l’engagement éducatif des jeunes animateurs et directeurs tout en limitant les abus en restreignant ce statut aux organismes à but non lucratif (qui ne sont aujourd’hui plus les seuls dans le domaine des séjours de vacances).

Le décret précise les conditions d'aménagement du repos quotidien. Mais le casse-tête reste entier pour les séjours itinérants, à petit effectif ou de plus de 21 jours.

Malheureusement, dans le rapport du groupe de travail, c’est la première solution qui a été retenue, la seconde étant trop incertaine dans le contexte actuel et nécessitant un processus législatif plus long. Un amendement, porté par le député Baguet, a donc été inclus dans la loi Warsmann, relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives. D’une rédaction très vague, il précise simplement que le repos quotidien peut être soit supprimé soit réduit, sans toutefois être inférieur à 8h. Dans ce cas, un repos compensateur est attribué à l’issue de l’accueil. Cette loi "fourre-tout" a définitivement été promulguée le 22 mars 2012, mais il manquait la publication d’un décret d’application pour y voir vraiment clair.

C’est désormais chose faite, même si le décret ne répond pas encore à toutes les questions qui se posent. Néanmoins, il précise les conditions d’aménagement du repos quotidien en fonction de la durée de l’accueil. Globalement, chaque animateur ou directeur disposera, outre d’un jour de repos hebdomadaire, de 16h de repos par semaine, fractionnables en 2 ou 3 périodes. Le solde du repos sera pris à l’issue de l’accueil, sauf si la colo dure plus de 21 jours auquel cas il sera pris à l’issue des 21 jours.

Les animateurs seront donc désormais en repos pendant plusieurs jours après la fin concrète de leur contrat. Ce repos compensateur, pendant lequel l’animateur n’est plus tenu d’être à la disposition de l’employeur, ne sera pas obligatoirement rémunéré mais empêchera, en principe, d’enchainer sur un autre contrat. Quant aux séjours de plus de 21 jours, la prise du repos compensateur pendant le séjour devient un vrai casse-tête (50h de repos par semaine, soit deux jours de congés supplémentaire) et sera sans doute de nature à éliminer rapidement ce genre de séjour.

En ce qui concerne les zones d’ombre persistantes, actuellement il n’est par exemple pas précisé comment calculer le nombre de jours de repos compensateur à l’issue du contrat (une journée est-elle égale à 13h, à 24h ?) ce qui ne manquera pas de laisser libre cours à diverses interprétations.

Pour conclure, ce décret marque la fin d’une période d’incertitude quant à l’avenir des colonies de vacances, permettant à chaque organisateur de savoir à quoi s’en tenir pour l’été et les saisons prochaines. Est-ce pour autant la réponse attendue au problème de départ ? Rien n’est moins sûr puisque ce nouveau texte sera sans doute attaqué et va permettre de nouveaux abus (embauche d’un animateur sur son repos compensateur par exemple).

Et même au-delà de ces considérations techniques, les motivations idéologiques qui nous poussaient à défendre un statut de volontaire ne sont absolument pas prises en compte. L’animateur reste ici un salarié au détriment de la reconnaissance de son engagement occasionnel (à la différence des professionnels œuvrant toute l’année dans le domaine de l’animation). Le CEE reste accessible à des structures lucratives ce qui nous semble aller à l’encontre de la notion d’engagement, pourtant porteuse de sens au 21ème siècle. La question de l’indemnité des animateurs et du coût de leur formation n’est pas abordée, alors que sur ce point beaucoup serait à faire. Et que dire de tous les séjours particuliers (itinérants, à petit effectif, de plus de 21 jours…) qui représentent une grande part des départs et qui sont les grands perdants de la nouvelle organisation à mettre en place ?

En ces temps où l’on nous promet le changement et où la jeunesse est au cœur du débat, il est donc de notre devoir d’organisateur de continuer à militer avec force pour la création d’un véritable statut de volontaire de l’animation. Lui seul permettra de continuer à faire partir le plus grand nombre d’enfants en vacances. Lui seul permettra de donner un véritable sens à l’engagement éducatif des 300 000 animateurs et directeurs militants (3). Pour conclure, lui seul permettra de pérenniser ces temps de vie en collectivité si importants dans le développement du "vivre ensemble", fondateur de notre société de demain.

(1) Chiffre issu du rapport du groupe de travail sur le CEE, dit rapport Nutte.
(2) Jeunesse au Plein Air
(3) Chiffre issu du rapport du groupe de travail sur le CEE, dit rapport Nutte.



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